oui celui ci :
Le monde
des petits bouts de papier
Il était une fois, un monde,
dont les habitants s’étaient donné une règle très étrange.
Chacun d’entre eux, avant de pouvoir faire ce qu’il voulait,
devait d’abord s’approprier de petits bouts de papier.
Pour en obtenir,
il devait rendre service à d’autres qui acceptent de lui en donner en échange de ce service.
Si on n’en avait pas, on ne pouvait pas survivre,
et plus on en avait, plus on pouvait faire de choses.
Quelqu’un qui en avait beaucoup était appelé « riche », et
quelqu’un qui n’en avait pas beaucoup était appelé « pauvre ».
Dans ce monde,
comme il fallait d’abord acquérir ces petits bouts de papier,
chacun devait d’abord « aider » ceux qui en avaient,
avant de pouvoir aider ceux qui n’en avaient pas
et qui, donc, avaient le plus besoin qu’on les aide...
Seules quelques rares personnes étaient censées aider ceux qui avaient le plus besoin d'aide.
Mais leurs efforts étaient limités par la quantité de petits bouts de papiers que les autres acceptaient de donner pour soulager leur conscience.
Le résultat était donc en conséquence :
tout juste de quoi soulager quelques consciences...
La nécessité d'obtenir de petits bouts de papier était logiquement la priorité de tous les habitants de ce monde,
Si bien que, dans leur vie quotidienne,
ils étaient contraints de se comporter de façon égoïste,
et de se battre les uns contre les autres:
Même s’ils ne le voulaient pas,
Puisqu’il fallait prendre des petits bouts de papiers que d’autres voulaient aussi, à d’autres qui voulaient en garder le plus possible.
Les besoins élémentaires des habitants de ce monde n’étaient pas très importants.
Mais comme, à cause de cette règle, tout le monde avait toujours peur de manquer de petits bouts de papiers,
ou rêver toujours d’en avoir plus
et que l’on en gagnait d’autant plus que celui auquel on rendait service était riche,
la majorité du travail y servait les désirs accessoires des plus riches,
tandis que les besoins élémentaires des plus pauvres n’étaient pas satisfaits.
Les plus riches, étaient donc les mieux servis, les plus puissants.
Il leur était donc plus facile qu’aux autres
d’obtenir des petits bouts de papier.
De sorte qu’ils devenaient de plus en plus riches.
Et pour pouvoir obtenir un peu de leurs petits bouts de papiers,
on disait : « avoir du travail »,
ou parfois, aussi : « créer des emplois »,
chacun s’arrangeait pour que les riches aient toujours plus de désirs accessoires, en les suscitant par toutes sortes de moyens,
de sorte que leur consommation de richesses croissait indéfiniment.
Mais pour mieux satisfaire et susciter ces désirs que l’on créait,
on fut amené à exploiter de plus en plus les richesses de ce monde,
indépendamment de ce qu’il pouvait produire.
Même si on ne le voulait pas,
même si l’on sentait bien qu’il fallait les préserver,
car on n’y était obligé,
puisqu’il fallait bien « vivre », « avoir du travail »...
Si bien qu’à partir d’un certain moment,
certaines richesses devinrent plus difficiles à trouver,
ce qui augmenta la quantité de petits bouts de papiers que les riches étaient prêts à donner pour les consommer.
On disait : leur « prix ».
De sorte qu’on les rechercha encore plus activement,
et qu’elles disparurent, les unes après les autres.
De plus, à cause de cette consommation sans bornes,
de cette courses effrénée aux petits bouts de papier,
on produisit de plus en plus de déchets,
dont certains étaient d’ailleurs d’autres bouts de papiers
servant à susciter les désirs accessoires.
Mais beaucoup provoquaient de nouvelles maladies,
qui furent donc de plus en plus nombreuses.
De sorte que, dans ce monde, il y eut de moins en moins
de richesses utiles et de plus en plus de déchets nuisibles.
Si bien que la vie y devint de plus en plus difficile.
Jusqu’au jour où plus personne ne put y vivre.
Et c’est ainsi que disparut le monde dont les habitants,
vraisemblablement peu réfléchissants ou peu soucieux de leur avenir,
s’étaient donnés cette règle décidément très étrange :
devoir obtenir de petits bouts de papiers de ceux qui en avaient déjà, avant de pouvoir faire ce qu’on voulait.